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Rencontre avec les auteurs d’Alter Ego

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«Si, si… Enfin , je ne sais pas ! J’ai l’impression de me noyer dans les problèmes.
– Tu viens d’arriver ?
– A l’instant, oui, pour peu que j’aie encore une bonne appréciation du temps. J’ai fait un de ces tours du monde en 4 jours. Karachi, Washington, Ber… Bref, je ne sais plus comment je m’appelle !
– Détends-toi, assieds-toi, je te sers un verre ? »

Vous rêvez d’en savoir plus sur l’univers d’Alter Ego ? Vous vous demandez comment une telle organisation se met en place et comment elle évolue ? Et bien Bulle d’Encre vous invite à une entrevue tentaculaire avec les auteurs de la série, dont le titre Camille a récemment été sélectionné pour le Festival d’Angoulême 2012.

Chronique de Jonas

Retrouvez la bande annonce en fin d’interview et des images exclusives du tome 7.

Bulle d’Encre : Bonjour à tous ! Comment est né ce projet ?
Pierre-Paul Renders : Au départ, il y a cette idée de connexion entre les humains qui émerge dans mon cerveau et que j’avais mis en mode « recherche et développement » sur le thème « mondialisation versus individualisme ». Très vite s’élabore le complot central et une grande fresque pleine de personnages. D’abord, comme mon premier métier est le cinéma, je pense à en faire une série télé. Mais ce serait une production colossale, faisable uniquement par des Majors américaines auxquelles je n’ai pas accès. Du coup, plutôt que de remettre l’idée dans un tiroir, j’en parle à mon ami Denis Lapière : « Est-ce que ça ne pourrait pas se faire en BD ? » Et voilà… Ensuite, le support papier m’a donné cette envie de « splitter » les destinées des personnages et de faire un puzzle narratif en six albums, chacun centré sur le parcours d’un des héros. J’ai potassé cela sous l’œil attentif de Denis et un jour, on a remis un beau dossier de 120 pages à nos éditeurs de chez Dupuis, Louis-Antoine Dujardin et José-Louis Boquet. Ils n’ont pas mis trop de temps à nous dire : « OK, let’s go ! »

BDE : Comment s’est fait le choix de chacun des auteurs ?
Denis Lapière : Pierre-Paul et moi, nous nous sommes choisis un jour pour écrire ensemble. Et plus nous écrivions, plus nous nous apparaissions, l’un à l’autre, complémentaires. On ne peut pas raisonnablement écarter l’idée que nous avons cultivé cette complémentarité au fil de nos écritures. Mais je pense sincèrement qu’elle était là depuis le début et que nous l’avions sentie. Et que nous avons eu diablement raison d’écrire ensemble.
Pierre-Paul Renders : Denis et moi avions une envie assez précise du style de dessin que nous souhaitions : semi-réaliste, assez expressif, dans la lignée de l’école Dupuis, mais modernisé par les apports des (bons) mangas et comics US. Avoir Denis dans l’équipe s’est révélé précieux à plus d’un égard et notamment parce que sa longue fréquentation du monde de la BD lui a donné un grand carnet d’adresse et surtout un feeling très sûr. Il m’a épaté (une fois de plus) quand il a dégotté Mathieu, qui allait devenir notre directeur artistique et concepteur graphique de la série…
Mathieu Reynès : Denis s’est retrouvé (de son plein gré) avec un de mes sketchbooks entre les mains. Il y a décelé quelques dessins dans un style qui semblait convenir pour le projet Ames Sœurs, l’ancien nom d’Alter Ego. Deux jours après, il me contactait pour m’en parler et me convaincre, sans peine et en quelques mots, de me jeter à corps perdu dans cette longue aventure.
PPR : Pour réaliser les six albums dans un délai raisonnable, nous avons convenu avec l’éditeur de travailler avec un tandem de dessinateurs : l’un aux personnages, l’autre aux décors. Il nous fallait donc un « décoriste » pour faire la paire avec Mathieu. Un décoriste avec un style bien réaliste, car nous souhaitions compenser le côté typé des personnages par des décors bien réels et concrets.
Benjamin Benéteau : Tony Larivière, organisateur de la Fête de la BD d’Andenne, m’a mis en contact avec Mathieu Reynès, sachant qu’il cherchait quelqu’un pour faire les décors “réalistes” d’un projet dont on ne pouvait pas me dire grand-chose. Mes essais ont plu. Quelques jours plus tard, je découvrais avec bonheur l’ampleur du projet, sans me douter que j’en prenais pour quatre ans (et plus).
PPR : Très vite également, il est apparu que, pour rester dans les délais, Benjamin et Mathieu ne pourraient réaliser que trois des six albums. Nous avons donc élargi le « studio » en recherchant des dessinateurs avec un style graphique proche du tandem de base…
Ricard Efa : C’est via Olivier Jouvray qu’on est entré en contact avec moi. A ce moment-là, j’étais en train de finir la série sur laquelle je travaillais. J’ai donc accepté de participer au test. Et apparemment l’éditeur et les créateurs ont aimé.
Luca Erbetta : Pour moi, tout s’est passé grâce à un ami en commun, David Ratte, auquel j’avais dit que je cherchais du travail. Un mois plus tard, il m’a contacté pour me dire que son ami Mathieu avait besoin de quelqu’un pour un projet chez Dupuis. J’ai fait un test qui s’est bien passé. Et voilà !
Emil Zuga : J’ai connu Mathieu par Internet. Et quand il m’a demandé si je souhaitais participer à des essais pour une nouvelle série, je suis presque tombé de ma chaise au bureau. Quand j’ai commencé à voir de quel genre de projet incroyable il s’agissait, je suis resté sans voix. Après les essais, j’ai mis des semaines à réaliser que j’allais dessiner ma première BD publiée et dans le cadre idéal, pour moi, du studio virtuel d’Alter Ego.

BDE : Quelles sont les raisons qui vous ont amenés à participer à l’aventure ?
DL : Quand Pierre-Paul m’a expliqué l’idée qu’il venait d’avoir et qu’il m’a demandé si c’était « faisable en bande dessinée », je lui ai répondu – je m’en souviens très bien, c’était à la table d’un bistrot parisien – que ce n’était « faisable en bande dessinée » que si j’écrivais cela avec lui, tant le défi de transformer cette idée géniale en bande dessinée géniale était excitant.
MR : Travailler sur un projet en or et qui intéressait déjà de gros éditeurs… il aurait fallu être fou pour refuser ça ! C’était l’occasion rêvée pour moi de changer de cap. J’œuvrais alors dans un créneau plus humoristique.
BB : A l’époque, je n’avais pour ainsi dire jamais été publié. Je travaillais sur un projet de série qui ne trouvait pas d’éditeur et je piétinais un peu. Cette proposition de premier contrat me semblait tomber du ciel. Je connaissais le travail de Mathieu Reynès et j’étais déjà tout content de pouvoir travailler avec lui, même sans en savoir davantage sur le projet. Puis quand j’ai appris que ça se faisait chez Dupuis, avec Denis Lapière que j’avais déjà beaucoup lu (et Pierre-Paul que je ne connaissais pas encore), et que j’ai découvert que le scénario était génial : que pouvais-je raisonnablement demander de plus ?
RE : J’avais déjà croisé Mathieu Reynès aux éditions Paquet, et j’aime bien l’idée de bosser avec des gens que je connais déjà. Puis il y a le fait que, quelques années auparavant, j’avais dû refuser de bosser avec Denis Lapière pour cause d’overbooking dans mon agenda. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas lui dire deux fois non ! Il faut dire qu’au début, je n’étais pas trop convaincu par ce genre de projet à plusieurs auteurs. Mais, petit à petit, je me suis laissé convaincre et suis devenu « fan » du concept ainsi que du système de travail.
LE : Le fric, bien sûr ! Non, sérieusement, à part les raisons économiques, le projet était très intéressant. Et je ne pouvais pas laisser passer la possibilité de travailler avec Dupuis.
EZ : Un incroyable concours de circonstance, je dirais. Je trouve encore ça aussi incroyable aujourd’hui et je ne les remercierai jamais assez de m’avoir fait confiance pour dessiner Jonas.

BDE : Avec des délais de sortie aussi courts et une charte graphique précise, comment chacun d’entre vous a-t-il abordé son travail ?
DL : Nous devions tout le temps avoir une bonne quinzaine de pages d’avance sur tous les dessinateurs. Nous avons donc beaucoup bluffé…
MR : Avec le story-board, j’étais le premier maillon de la chaine graphique. Pour qu’aucun dessinateur ne se retrouve sans travail, je devais adapter mon planning au plus urgent et jongler d’un album à l’autre. Je crois que ce n’est pas une coïncidence si mes premiers cheveux blancs sont apparus récemment !
BB : Pour la charte graphique, comme je suis arrivé au début du projet, je n’avais pas beaucoup d’autres indications à suivre que de faire du bon travail, dans un style plutôt réaliste. Surtout de réussir à ce que mon trait et celui de Mathieu se marient bien, ce qui s’est fait naturellement. Pour les délais, la motivation était facile : Mathieu étant d’une régularité d’horloge suisse, et comme je ne voulais surtout pas qu’il m’attende, j’ai dû rapidement trouver des solutions pour être efficace. Et quand, sur Jonas, je n’ai pas été assez performant, Luca était là pour me remplacer. Et enfin, pour rester raccord avec Mathieu, j’ai aussi pris le soin de me faire quelques cheveux blancs en passant.
RE : Le plus difficile a été de s’habituer au lent processus de création d’une page. Puis comprendre qu’il y aurait plein de retours de tous les auteurs-créateurs et qu’il fallait bosser pour un « bien commun ».
LE : Personnellement, je cherchais toujours à garder un bon rythme pour ne pas retarder le boulot de Ricard et d’Emil. On s’échangeait beaucoup de messages et on programmait nos délais selon les besoins de chacun.
EZ : Comme je travaille en journée, j’avais un planning très serré. Je bossais souvent sur Alter Ego les week-ends, au moins 3 soirées en semaine et 2 semaines de RTT pour le bouclage.

BDE : L’intrigue est tentaculaire. Et vos relations, au vu de vos situations géographiques, le sont aussi. Comment avez-vous géré cela ?
DL : Avec le téléphone, Skype, les mails et toutes ces choses modernes. Vivement la télépathie, bon sang ! Ça ce sera une grande invention !
LE : Avec des heures passées sur Internet !
RE : : Je suis habitué à bosser avec des scénaristes et éditeurs français par Internet. Alors cela a augmenté le nombre de communications mais pas la façon de le faire.
MR : : Comme Ricard, j’ai toujours travaillé via internet et le téléphone avec mes scénaristes sur mes précédents albums. La différence sur Alter Ego est que tout était multiplié par 6 !
BB : Pour moi, c’était les mails en particulier, des milliers et des milliers de mails. Pour tout, et parfois n’importe quoi, mais j’essayais de me retenir dans ce dernier cas.
EZ : Paris étant au centre du monde, j’étais le moins à plaindre de l’équipe lorsqu’on avait besoin de se rencontrer. Sinon, il y a internet.

BDE : Alter Ego est un projet d’envergure. Qu’est-ce que cela vous a apporté sur le plan personnel ?
DL : J’ai découvert que, contre toute attente et contrairement à la réputation qu’on se fait de nous, des auteurs sont capables d’avoir une vraie personnalité, un vrai talent, tout en étant capable de mettre leur ego entre parenthèse pour se consacrer entièrement à un ouvrage collectif. On a joué en équipe, pas individuellement.
RE : : Le plus évident, c’est le travail en équipe, pas habituel dans la bande dessinée (sauf la symbiose scénariste-dessinateur classique).
MR : Pour moi aussi, c’est l’expérience du travail en équipe qui m’a le plus apporté. On a vraiment tous œuvré de concert et sans heurt pour le bien de la série. Je suis sûr que, nous, on serait allé en finale en Afrique du Sud !
BB : Que dire de plus ? Je ne vais pas répéter que travailler en équipe, sur un projet aussi intéressant durant près de quatre ans, et s’entendre aussi bien, ne peut qu’apporter énormément de bonnes choses et une grande envie de continuer. Sinon, on va me trouver niais. Mais quand même !
LE : Avant tout, la conscience d’avoir fait un bon travail, et la gratification de constater l’appréciation du public. Puis, c’est un projet auquel j’ai travaillé pendant deux ans et demi et qui, avec la nouvelle saison, m’accompagnera encore pour un peu de temps. Donc le projet commence à représenter une partie importante dans ma vie professionnelle. Et enfin il me restera le lien qui s’est créé avec le reste de l’équipe, pas seulement des collègues, mais maintenant des amis.
EZ : Travailler dans un studio virtuel plein d’auteurs de BD tous plus talentueux et pinailleurs les uns que les autres ! J’ai pu apprendre énormément de choses sur l’art de la BD en travaillant à leurs côtés, en recevant leurs avis et leurs conseils. Cela n’a pas de prix.
PPR : Moi aussi, j’ai adoré le travail en équipe mais c’est quelque chose que je connaissais (et appréciais) déjà depuis longtemps en cinéma où les équipes impliquées sont énormes. Ici, j’ai savouré le côté confortable d’une petite équipe, très calme et posée, avec un rythme de travail soutenu mais très humain. Mais j’ai surtout retiré beaucoup de ma collaboration approfondie avec Denis, qui est un grand maître de la narration graphique. Un aspect souvent méconnu du travail qui est pourtant l’élément décisif dans la qualité d’une BD. Quoi qu’on en pense, la narration et le découpage cinéma fonctionnent très différemment de la BD. Au bout de ces 360 planches, je crois que j’ai bien progressé, même si je suis encore loin du maître…

BDE : Un septième tome est en préparation. Il conclut le cycle de 6, mais ensuite ?
PPR : On peut s’attendre à une saison 2, oui. Pour moi, la thématique des Alter Ego est une mine d’or narrative et je suis loin d’en avoir exploité toutes les ressources. Vu le succès montant de la série, notre éditeur nous a commandé la suite et on planche sur un nouveau cycle. Une nouvelle histoire dans l’univers Alter Ego, un nouveau puzzle aussi, qui sera probablement moins ample cependant. On démarre l’écriture en ce moment…

BDE : Peut-on s’attendre à voir de nouvelles personnes dans l’équipe ?
PPR : Pour raison d’heureux événement en vue et de surcharge de travail, notre coloriste, Albertine Ralenti, a dû passer la main pour le tome 7. C’est Benoit Bekaert qui la remplacera. On l’accueille avec joie même si on est un peu triste de perdre notre seul élément féminin. Mais Albertine nous a promis de revenir en Saison 2… Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne!

BDE : Merci à tous pour votre participation et plus particulièrement à toi Luca qui a été le coordinateur !
Alter Ego Team : Merci à toi !

Propos recueillis par Stéphane Girardot.

Interview réalisée le 4 décembre 2011.

Cliquez ci-dessous pour voir la bande-annonce :

Extraits du tome 7

© Dupuis/Bénéteau/Efa/Erbetta/Lapière/Renders/Reynès/Zuga
Toutes les images sont la propriété de leurs auteurs et ne peuvent être utilisées sans leur accord.


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